home Contactez nous rss feed Accès Membres
La radio de la communauté de l'Université Libre de Bruxelles

Archive for mai 13, 2013

Europolis du lundi 13 mai à 18h15 / Entretien avec Christian de Duve

À 95 ans, Christan de Duve a choisi l’euthanasie pour mettre un point final à sa vie. 

En 2010, il avait reçu les insignes de Docteur honoris causa de l’ULB.

Né près de Londres, en 1917, Christian de Duve est diplômé de l’Université catholique de Louvain en médecine (1941) et en chimie (1946).

En 1974, il reçoit – avec Albert Claude (Institut Jules Bordet) et George Emil Palade – le Prix Nobel de physiologie et de médecine pour avoir découvert comment la cellule peut absorber ou détruire les substances – bonnes ou mauvaises – sans altérer son fonctionnement. Sa découverte a permis des avancées significatives dans la recherche médicale, en particulier en cancérologie.

Immense chercheur, il fut aussi un bâtisseur, créant l’ICP, l’Institut de pathologie cellulaire, rebaptisé Institut de Duve, un centre d’excellence mondial où la liberté de recherche est fondamentale.

Europolis propose de réécouter une interview réalisée en 2005 du Docteur honoris causa de l’ULB, suite à la publication de son ouvrage « Singularité ».

Carte Blanche à Daniel Hélin / un bonus de l’artiste / « Qu’est ce que le capitalisme ? »

Qu’est ce que le capitalisme ?

 

C’est l’appropriation des moyens de jouissance par des gens qui ont peur de celle des autres.

C’est l’accumulation de possibles dans des seins gonflés sans possibilité de têter.

C’est la violence de la création du désir avec, à la clé, pour moyen de les réaliser, une seule condition : la participation à cette violence.

C’est le centralisme des richesses produites devenues abstractions pour ceux qui les ont produites.

C’est le silence de ce vol présenté comme une loi naturelle.

C’est la création de l’inéluctabilité de ces manques inassouvis.

C’est l’esclavage consenti avec l’espoir de réaliser un petit quelque chose pour se sauver,Soi.

C’est la dictature d’ignorants interdisant le savoir.

C’est de la merde !

Le mensonge institué avec des religions mourantes offrant l’espoir à ceux qui se sacrifient en se soumettant à la morbidité de la notion de paradis, la récompense de ton indigence.

Créer des superstitions sur la matière pour la rendre sacrée et plus chère.

Inventer des valeurs et les prétendre naturelles.

Le plafond brille de diamants potentiels.

Nous sommes cloués au sol par nos propres mains.

Des croûtons perdus dans la soupe.

Pas de questions pour savoir qui a la cuiller.

Nous sommes dans la soupe et c’est tout.

Les diamants du plafond semblent immuables.

Et, dans la quête du moindre grain de sable on laisse sur le bord des petits morceaux de soi.

Seul savoir permis : la joie de participer à quelque chose de plus grand que Soi.

Le massacre c’est la volonté cruelle de laisser fondre des limaces dans un bain de sel en s’étonnant qu’elles ne crient pas, qu’elles ne se révoltent pas, qu’elles n’appellent pas.

Et nous, la salière à la main, nous les trouvons responsables de nos actes.

Nos yeux en écrans bleus.

Le fond marin du chant des baleines brille derrière des yeux de verre.

Mon nombril est mon trou noir qui m’engloutit.

Je me satisfais de mon fonds de commerce profond comme la blessure qui m’anime.

Brillance de plaie en paillettes, du skaï, blanc, rouge et brun.

 

Comment sortir du labyrinthe capitaliste ?

 

J’entends très nettement les circonvolutions de ma boîte crânienne.

J’entends très nettement chaque pas que je propose au sol éviandé.

J’entends la pluie.

J’entends crépiter le vent dans les sapins.

J’ai un peu peur de basculer parce que je suis amoureux de mes problèmes.

La Terre tourne autour d’une multitude d’axes.

Toutes les colères de matière sont rassemblées en milliards de points qui se considèrent chacun comme uniques.

J’ai sur la peau (ou plutôt sous la peau) la sensation vivace d’un grouillement ininterrompu.

Ce ne sont pas les veines drainant du sang.

Ce n’est pas la foule des parasites.

Ce n’est pas quelque chose de rythmique.

Je sens simplement la chose susdite et ma démarche entre les murs s’en ressent.

Mais je ne réponds pas à la question.

Partout où je regarde (et je n’ai pas envie que ce soit pris pour de la naïveté poétique), j’ai l’impression d’errer dans un aquarium lubrique où les figurants tournent dans le bocal, le sexe dans les yeux.

J’aime ça parce que c’est agréable de se dire que la race humaine n’est pas à l’abri de sa procréation joyeuse.

Nous sommes donc sauvés.

Il faut faire avec les vivants.

Le biblisme est l’ennemi parce qu’il ne marche pas avec des pieds et des mains.

Mettre dans des tiroirs le réel puis le ressortir avec le mode d’emploi.

Genre :

 

Mode d’emploi de la révolution :

 

  1. Faire avec ceux qui sont là.
  2. Vouloir la jouissance et non pas le pouvoir.
  3. Abolir la propriété privée parce que notion incompatible avec mortalité effective des propriétaires.
  4. Redistribuer le savoir avent les richesses, y compris une médecine gratuite.
  5. Destruction des armes et interdiction de l’usage des énergies fossiles.
  6. Instaurer le mélange comme valeur première de la création de société (jeunes et vieux par exemple).
  7. Niquer l’argent.
  8. Faire des siestes.
  9. Rire.
  10. Laisser parler ouvertement les critiques et les considérer comme des outils.
  11. Faire la fête.
  12. La curiosité comme première valeur de l’homme et de son intelligence.
  13. Fraternité d’abord, égalité ensuite, liberté comme résultante et gratuité en préalable.
  14. Ne pas tenir compte d’un seul de ces articles.
  15. En écrire 10 autres.
  16. Recommencer

 

L’utilité de la race humaine est un superflu à convenir.

La question n’est pas l’élimination de l’inutile, au contraire rien n’est plus jouissif que l’inutile.

La valeur n’est qu’une manière de plus de sélectionner.

Elle n’existe pas dans la nature.

Il n’est pas surprenant de voir des gens aux revenus modestes arborer le symbole de la réussite que représente le port d’un vêtement de marque cousu de sang.

La vraie force quand on est pauvre ; c’est de porter quelque chose fait par des plus pauvres.

Monter qu’on a réussi une chose même si on mange mal : se la payer.

Et en plus les apparences sont trompeuses.

Et ce que je viens de décrire est aussi une caricature, un cliché.

La première chose qu’il importe de développer, mis à part la capacité d’indignation préalable à l’action, la première, c’est la curiosité.

Décortiquer le réel volé, dire ce qu’on veut et pas ce qu’on peut.

Aller voir ce qui ne nous regarde pas.

Ce qui a l’air de ne pas nous concerner et qui pourtant nous fait quelque chose.

On subit les conséquences, mais de quoi ?

D’où ça vient ?

Le vieux Marx disait que le capitalisme n’était qu’une étape historique, un passage.

J’ajouterais qu’il possède en lui-même les germes de sa propre destruction et qu’en tant que tel il sera amené à se détruire.

Tout simplement parce qu’il lui est impossible de tenir ses promesses.

Il lui est impossible de faire correspondre la majorité des gens à son modèle.

Le danger c’est qu’il entraîne avec lui ceux qui le construisent et ceux qui le subissent.

Soyons des résistants festifs et lucides.

Le chiant des réunions provient de la désappropriation du langage que nous avons subie.

La violence et l’ennui suscités par ces discours contradictoires.

Conflits de proche en proche, mais pour décortiquer le réel qui nous entoure et qui est unique :

Une planète pour tout le monde et une vie à chacun.

Voilà la base : réappropriation de la connaissance concrète du réel.

Refus du raccourci.

Amour de la contradiction parce qu’elle est la source du savoir commun : le capitalisme est un serpent qui se mord la queue et ce qui lui succèdera n’est pas encore définissable.

Le fait de déjà savoir ce qu’on ne veut plus peut déterminer ce qu’il serait mieux d’avoir.

Et si même nos morts sont à vendre comme notre peau et nos os, que notre animalité jubilatoire soit le frein de ces entraves criminelles.

Foin du dénigrement personnel dû à une dévaluation du sensible réel dans la bourse tortionnaire.

Nos deux pieds, nos deux mains n’ont pas besoin de la mort des autres pour créer et avancer.

Ma viande bouge :

Préparer le terrain pour les petits qui viennent à grandir.

Dire qu’il y a de la place pour tout le monde.

La connaissance partagée.

Emmerder les tribunaux, les policiers, les industriels, les publicitaires, les commerçants, la soldatesque, les nucléaires, les fascistes ignorants, les désabusés de l’intelligence constructive.

Le pouvoir de transformation individuelle est réel.

Le collectif se reconstruit.

ON VA GAGNER PARCE QU’ON SAIT FAIRE…

 

P.S

 

Je n’ai pas répondu à la question.

Je ne suis que mobilisable, pas solutionnaire, juste motivé et en même temps paresseux.

Et alors ?

Le désir du parfait n’est qu’un fascisme de plus.

Pas d’illusions…

Juste un désir à en pêter les murs.

Avec, dans les mains un petit burin pour retirer les premières briques.

 

ON VA GAGNER PARCE QU’ON SAIT FAIRE…

 

Pourquoi pas ?