Envie de vous faire partager cette rencontre avec une pointure de l'abolition de la prison : Gwënola Ricordeau.
Si l'on veut changer de système, on doit pouvoir proposer autre chose... ici, clairement le travail est fait sans pour autant avoir fermé toutes les portes à clef bien entendu.
Gwënola Ricordeau est sociologue, féministe et militante pour l'abolition du système pénal. Docteure en sociologie - Université Paris IV Sorbonne, 2005 - , elle a enseigné entre 2009 et 2017 à l'Université de Lille 1 comme maîtresse de conférence, avant de rejoindre la California State University, Chico - États-Unis - , où elle a été professeure assistante, puis professeure associée en justice criminelle, jusqu'à sa démission en 2025.
EXTRAITS :
Abolir est un terme qui a une histoire politique extrêmement forte. Ça fait évidemment référence à l'abolition de l'esclavage puisque notamment dans le contexte étasunien, on dit et redit qu'il y a une continuité historique entre le système esclavagiste, le système plantationnaire et aujourd'hui l'institution prison, mais aussi l'institution pénale.
On ne peut pas penser l'abolition de la prison sans penser le racisme systémique, mais aussi on ne peut pas penser le racisme systémique sans penser l'institution prison et la manière dont la prison fait partie en fait du racisme systémique.
Qui est protégé par le système pénal ?
Qui est protégé par la police ?
Et qui est protégé de quoi en fait ?
Est-ce que le système pénal, nous protège des crimes du capitalisme ? Le capitalisme tous les jours tue, brise des vies. Tous les jours la planète est détruite. La police ne nous protège pas de l'extractivisme. La prison ne nous protège pas de tout ce qu'on appelle - les crimes verts, les crimes environnementaux, les écocides, etc. Qu'est-ce que le système pénal protège ? Le système pénal protège le capitalisme. Il protège le patriarcat. Qui se sent protégé ?
Vous évoquez les victimes des violences sexuelles aujourd'hui et le système pénal qui protège très, très peu et très, très mal. Je suis toujours scandalisée à l'idée de l'étendue des crimes du patriarcat. Il s'agit quand même de crimes de masse. Il s'agit de crimes qui font des centaines de milliers de victimes - dans le contexte français - avec des centaines de milliers d'auteurs aussi. Comment peut-on même dire : la police nous protège ? Non, la police, elle ne nous protège pas.
Ce qui est d'autant plus scandaleux, c'est que l'on nous dit qu'il faut encore plus porter plainte, qu'il faut encore plus criminaliser, mais en fait ça ne fonctionne pas et on n'a pas la moindre preuve que de mettre des hommes en prison empêche d'autres hommes de commettre ces crimes-là. On n'a pas la moindre preuve - et on a même plutôt les preuves du contraire - que les hommes qui sont criminalisés, bin, ce ne sont pas des hommes qui ne recommettront plus de crimes. Donc, la prévention... enfin voilà et à quel coût ?
Puis, qui est criminalisé ?
Bin, les hommes issus des milieux populaires, les hommes issus de l'histoire de l'immigration et de la colonisation.
Notre vie, elle est extrêmement violente. Le système est extrêmement criminel. Il est cruel. Et ce qu'on nous propose c'est de toujours utiliser davantage ce système qui ne fonctionne pas. Ce système qui ne nous protège pas. Ou en tous les cas, qui protège que certaines personnes.
Ce qui est intéressant, c'est que nous les abolitionnistes - en gros - on nous demande toujours de prouver que l'on serait plus efficace. Mais en fait, c'est facile d'être plus efficace que ça. Et en fait, quel type d'efficacité ? Est-ce qu'il s'agit de réduire le crime ? De répondre aux besoins des victimes ? De réhabiliter les personnes qui sont les auteurs de préjudices, de torts, etc.?
Donc, il y a déjà beaucoup de choses sur lesquelles il faudrait se mettre d'accord. C'est quoi nos critères d'efficacité ?
ORGANISÉ PAR L'OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS SECTION BELGE ET APO ASBL.
LÉGENDE : Ce projet artistique basé dans le Maine vise à susciter des débats sur la captivité et l'abolition de l'esclavage - 27 août 2021 -